La voiture de Damien a été recalée trois fois au contrôle technique de La Louvière à cause d’un problème qui touche de nombreux autres Belges: «Le concessionnaire ne peut rien y faire!»
Damien est dans une impasse. Sa Mercedes diesel qu’il vient d’acheter en occasion est refusée au test du filtre à particules fines. Et il n’y a pas vraiment de solution pour y remédier. Plus de 5 % des véhicules sont ainsi recalés au contrôle…
Les centres de contrôle technique des trois régions du pays vérifient les émissions et le bon fonctionnement du filtre à particules sur les véhicules à partir de la norme Euro 5b depuis le 1er juillet 2022. Ils ont embrayé sur les Pays-bas qui sont précurseurs de ce contrôle du FAP.
Si le moteur émet moins de 250.000 particules par cm³, c’est carte verte pour le conducteur. Mais entre 250.000 et 1 million de particules par cm³, c’est carton jaune : le conducteur doit se mettre en règle dans les 2 ans. Au-delà de 1 million, carton rouge : le conducteur a théoriquement 14 jours pour réparer ou remplacer le filtre à particules et représenter obligatoirement son véhicule au contrôle technique. Ce contrôle permet de déceler les filtres défectueux, voire inexistants. Vu le coût d’un filtre à particules de 1000 à 3000 euros, certains n’hésitent pas à le démonter en effet, car il n’empêche pas la voiture de rouler. Depuis juillet, plus de 5 % des véhicules ont ainsi reçu une carte rouge.
Et en raison de la pénurie des matières premières, certains filtres ne sont plus disponibles pour un remplacement. Du coup, les véhicules en défaut ne peuvent plus rouler, et les conducteurs risquent gros à braver l’interdit en attente d’un nouveau FAP. En Belgique, le défaut de contrôle technique est sanctionné par le tribunal de police d’une amende de 80 à 80.000 € et/ou d’une peine de prison de 8 jours à 3 mois.
Deux voitures recalées.
Damien Chaltin, Louviérois, fait partie des recalés du contrôle technique pour un défaut de FAP. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il joue de malchance. Cet été, il achète avec sa compagne en occasion à un particulier une Mercedes classe E de 2013, moteur 2.0 diesel. En passant ce véhicule au contrôle, le test FAP le recale. Reste que sur le certificat d’immatriculation (CI) il est indiqué en norme de pollution euro 5 et sur le certificat de conformité européen (CCE) euro 5 J. Donc, si on se base sur le certificat d’immatriculation, la voiture ne devait pas être contrôlée comme une euro 5b, mais peut-être bien selon l’attestation constructeur CCE. Il en fait part au chef de station qui lui donne raison et lui délivre alors une carte verte.
Soulagé, le couple peut utiliser cette voiture familiale. Mais comble de malchance, peu de temps après, un chauffard perd le contrôle de son véhicule et percute à grande vitesse ladite Mercedes garée devant chez eux. Résultat : voiture déclassée !
Le couple, aimant bien ce type de voiture, rachète pour près de 14.000 € il y a près de deux mois le même, une Mercedes E de 2013, mais cette fois avec un moteur 2.2 diesel. Même topo, norme euro 5 selon le CI et euro 5J selon le CCE. Comme ce break est lui aussi acheté à un particulier, Damien le passe au contrôle technique. Véhicule lui aussi parfaitement en ordre, mais… recalé au contrôle du FAP ! Confiant, il interpelle à nouveau le chef de station, lui rappellant avoir déjà connu une telle mésaventure. Mais là, le chef lui tient un autre discours : « Il a reçu de nouvelles directives, tous les véhicules euro 5 doivent être contrôlés ! Et donc, mon véhicule est bien recalé pour le FAP…»
Aucune solution technique.
Le contrôle technique lui donne trois mois pour se mettre en ordre : « J’ai d’abord fait nettoyer par un garage indépendant le filtre à particules ainsi que toute la ligne d’échappement, et j’ai représenté ce véhicule au CT. À nouveau recalé : de 2 millions de particules fines la première fois, je suis passé à seulement 1,9 million de particules… » Damien ne perd pas courage, il retourne chez son garagiste qui renettoie tout, démonte même la ligne d’échappement et met un produit dans les injecteurs… « Je revient une troisième fois et là on passe carrément à 5 millions de particules fines ! »
Damien n’en croit pas ses yeux, demande au contrôleur si son appareil est bien étalonné, mais rien n’y fait : carte rouge ! Le Louvierois se rend alors chez un concessionnaire Mercedes pour voir s’ils ont une solution. Et là, c’est la douche froide : « Le concessionnaire me déclare que s’il n’y a pas de voyant d’alerte qui s’allume et qu’il n’y a pas de perte puissance du moteur, alors le FAP fonctionne comme à l’origine. Il me déclare aussi que, même si on remplaçait le FAP par un neuf, il ne pourrait pas garantir que mon véhicule passerait au test pour autant. Il m’a expliqué qu’à l’époque de sortie de ce véhicule, moment du Dieselgate, on calculait les normes plutôt sur papier et donc qu’il est possible que mon véhicule pollue davantage… » Évoquons au passage qu’un nouveau FAP sur cette Mercedes coûte la bagatelle de 2.889 €, hors main-d’œuvre…
Et de conclure : « Les autorités ne se rendent pas compte en établissant de nouveaux contrôles dans quelle détresse ils plongent les gens. Certains s’endettent pour acheter un véhicule d’occasion dont ils ont besoin et tous n’ont pas les moyens de passer à un véhicule électrique… »
Au SPW mobilité: «Si l’une des deux normes euros mentionnées est contrôlable, on contrôle!».
Désœuvré, Damien a pris contact avec le SPW Mobilité pour lui faire part de son indignation devant une telle norme qui recale un véhicule sur 20 au contrôle technique : « Je leur ai signifié ce problème de normes euro différentes d’un certificat à l’autre pour un même véhicule. On m’a répondu que de toute façon si l’une des deux normes mentionnées est contrôlable, cela doit être fait. On m’a rajouté qu’ils ont deux ans pour analyser l’évolution de ce nouveau contrôle de FAP et qu’il n’est d’ailleurs pas exclu que la norme de particules fines acceptée au contrôle devienne à l’avenir encore plus sévère. Mon interlocuteur a rejeté la faute sur les constructeurs et m’a confirmé que la plupart des véhicules recalés au premier passage, le sont en effet généralement aussi au deuxième. Bref, je me suis retrouvé face à un mur, c’est à peine si on ne m’a pas traité d’égoïste pollueur… », déclare l’infortuné qui estime être pourtant de bonne foi.
On peut le comprendre, car le couple se retrouve désormais dans une véritable impasse : remplacer le FAP sans être sûr de réussir le test, ou revendre au rabais ce véhicule pour l’exportation : « C’est incroyable, demain, cette Mercedes sera revendue en Pologne ou ailleurs, tout en polluant autant ! Au contrôle technique, il y avait un gars devant moi avec un Toyota Hilux de deux ans et 60.000 km, lui aussi recalé au test FAP. Chez son concessionnaire Toyota, on lui a répondu que son véhicule est encore neuf, et qu’ils ne savent rien changer à son état. Le gars fulminait au contrôle technique ! » On veut bien le croire…
ça devient dingue, et ridicule !
RM.