Autrefois encensé, le diesel est aujourd’hui traqué, notamment par certaines municipalités qui souhaitent toujours plus en restreindre la circulation dans leur centre-ville. Alors, écologie ou idéologie ?
Pour beaucoup de nos compatriotes automobilistes, le revirement de politique à l’égard de la voiture diesel, après des décennies d’encouragements en tous genres à son acquisition, apparaît aujourd’hui aussi brutal que soudain. Mais ironie de l’Histoire, le moteur diesel lui-même, semble avoir changé encore plus rapidement que l’avis de nos gouvernants. Au point de rendre le discours de certains d’entre eux toujours plus incompréhensible.
Dès la fin 2020, le rapport d’une étude commandée par le ministère de la Transition écologique à l’IFP Energies Nouvelles (IFPEN), établissement de recherche succédant de l’Institut Français du Pétrole (IFP), secoue certaines de nos certitudes en comparant les gaz à effets de serre (GES) et les polluants locaux rejetés par des véhicules essence et leurs homologues carburant au gazole.
Hélas, à l’époque de sa parution, nous sommes visiblement accaparé par une autre question sanitaire. Probablement une pandémie mondiale ou quelque chose de cet ordre, de quoi suffisamment détourner notre attention de ces petits tracas d’origine automobile en tout cas. Car deux ans plus tard, certaines idées reçues ont encore la vie dure.
Après avoir mis huit couples de voitures essence et diesel représentatives du marché français à l’épreuve du cycle d’homologation et de conditions de conduite réelles, y compris par un large éventail de températures (de -2° à 35°), l’expérience confirme bel et bien certaines tendances. Comme le fait, tant appuyé par le barème de bonus-malus des années 2000, que les blocs sans bougies (d’allumage) sont moins émetteurs de CO2.
Encore que… La consommation de carburant des essence étant supérieure de 28 %, leur taux de surémissions de dioxyde de carbone s’élève en effet à 11 % par rapport au diesel. Sauf qu’en étendant le périmètre d’étude au protoxyde d’azote (N2O) et au méthane (CH4), deux polluants qui ne sont pas (encore) considérés lors de l’homologation d’un véhicule, cet écart d’émission de GES se trouve finalement réduit de moitié.
Si certains atouts supposés du diesel ne s’avèrent donc pas si flagrants, l’étude révèle en revanche de bien meilleures performances au regard d’autres critères. A l’image des particules fines libérées, supérieures à 23 micromètres.
En nombre, les essence retenus lors du test en rejettent en moyenne 15 fois plus que les diesel comparés. Même en prenant soin de mesurer l’impact de la régénération des filtres à particules (FAP) dont les deux technologies de moteur se dotent aujourd’hui systématiquement (sauf exception), l’IFPEN relève encore que ces particules sont 2,6 plus nombreuses à l’échappement d’un bloc s’abreuvant de sans-plomb.
Accordons toutefois aux détracteurs du diesel, comme de la voiture particulière en général, que l’enquête n’aborde pas le sujet des particules ultrafines (inférieures à 0,1 micromètre), plus petites, donc potentiellement plus nocives, mais encore difficiles à quantifier.
Concernant le monoxyde de carbone, rarement évoqué lors des pics de pollution, mais aussi suspecté d’être à l’origine de troubles cardiovasculaires en cas de forte concentration dans l’air extérieur, cette fois, il ne fait aucun doute que le diesel reste nettement moins émetteur avec une moyenne de 83 mg/km contre 434 mg/km de moyenne dans le camp des essence.
En se penchant à l’époque sur le cas de véhicules homologués selon la norme Euro 6d-Temp (à partir septembre 2017 pour les nouveaux modèles, puis 2 ans plus tard pour toute nouvelle immatriculation), cette campagne expérimentale confirme néanmoins certaines faiblesses du “mazout”.
Régulièrement pointé du doigt pour ses émissions d’oxydes d’azote (NOx), il s’en rend effectivement 4,4 fois plus coupable que son équivalent essence selon la moyenne des modèles sélectionnés. Les “fiouls” peinent en particulier à retenir ce gaz toxique à froid et/ou lors de courts trajets. Autrement dit, en ville.
Il émerge toutefois une seconde valeur, moins accablante. En l’occurrence, en retirant de l’échantillon les voitures qui “piégent” les NOx à défaut de véritablement les traiter par adjonction d’AdBlue (urée). Une solution de dépollution à moindre coût, appréciée de certains constructeurs français notamment, et longtemps compatible avec les seuils limites imposés par la règlementation européenne, mais qui ne peut plus être la seule conservée depuis l’application d’Euro 6d dans sa forme définitive (à partir de janvier 2020 pour les nouveaux modèles et janvier 2021 pour toutes les voitures neuves).
Or, une fois ces deux seuls mauvais élèves écartés, les émissions moyennes de NOx passent à 57 mg/km contre 20 en essence, soit un facteur multiplicateur abaissé de 4,4 à 2,9 d’une famille de moteurs à l’autre.
Une autre expérimentation, plus récente, publiée en avril 2021 par l’ADAC, montre d’ailleurs que les progrès du diesel en matière de contrôle des oxydes d’azote se poursuivent. En analysant les gaz d’échappement de 17 modèles parmi les meilleures ventes du marché européen, la puissante association allemande rapporte que leur moyenne d’émissions de NOx s’établit à 52 mg/km en dépit de conditions encore plus sévères lors certaines phases de test : démarrage à froid par -7°, conduite dynamique, accélération à pleine charge sur autoroute…
Si la limite réglementaire de 80 mg/km est franchie, ce n’est finalement que pour une courte durée, la valeur moyenne demeurant ainsi en deçà des 60 mg/km, soit le seuil appliqué au moteur essence par la norme actuelle.
L’ADAC concède dans ses conclusions que ces chiffres ne valent que pour des mécaniques actuelles, modernes, équipées de systèmes de dépollution de pointe. Ce qui n’est évidemment pas le cas de la majorité des diesel du parc roulant en 2022…
Mais dire que le diesel pollue plus qu’un autre moteur n’est qu’une partie de la vérité. D’ailleurs, plutôt que de favoriser une technologie au détriment d’une autre par simple dogme ou croyance, l’Europe, par le biais de la norme Euro 7 devant entrer en vigueur le 1er juillet 2025, entend enfin mettre le “mazout” et l’essence sur un pied d’égalité du point de vue des rejets à l’échappement. Il était temps. Car changer aussi vite de voiture que d’avis semble aussi mauvais pour le portefeuille que pour la planète.